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BRUXELLES — L’Union européenne achètera plus de produits américains après l’entrée en fonction de Donald Trump. C’est du moins l’une des stratégies de Bruxelles pour éviter d’être frappé par la menace du président élu de soumettre le monde entier à des droits de douane.

Il est vrai que l’UE exporte davantage vers les Etats-Unis que l’inverse : son excédent commercial est en passe d’atteindre le chiffre record de 230 milliards de dollars cette année. La réponse de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen ? Acheter davantage de gaz naturel liquéfié américain au lieu de s’approvisionner en Russie. Il est cependant difficile de savoir si cela fonctionnera auprès de l’administration Trump.

Au cas où cela ne passerait pas, l’UE s’assure déjà que son arsenal de défense commerciale est prêt pour un affrontement.

“N’entrons pas dans cette discussion sans avoir déjà une option de représailles”, a mis en avant auprès de POLITICO Ignacio García Bercero, le point de contact de la Commission pour les Etats-Unis pendant le premier mandat de Trump. “Parce que, si les négociations échouent et si les Etats-Unis estiment que nous n’avons pas d’option de rétorsion crédible, alors cela ne mènera à rien.”

Voici un aperçu des options possibles pour Bruxelles. Nous avons évalué la taille de leur calibre, la rapidité avec laquelle elles peuvent être dégainées et l’efficacité qu’on peut en attendre :

Représailles contre les produits américains

En 2018, année des midterms, les élections de mi-mandat, l’UE avait riposté face à Trump en s’attaquant à des produits fabriqués dans les Etats clés de la bataille politique américaine. Souvenez-vous, par exemple, comment Bruxelles avait trouvé le moyen d’augmenter les droits de douane sur les motos Harley-Davidson, les briquets Zippo, les jeans Levi’s et le bourbon. La Commission pourrait bien préparer quelque chose de similaire pour infliger le même type de dégâts économiques avant les midterms de 2026.

En représailles aux droits de douane mondiaux de Trump sur l’acier et l’aluminium, l’UE avait taxé les bécanes Harley-Davidson à 56%. L’entreprise avait délocalisé une partie de sa production en Thaïlande, conduisant Paul Ryan, élu républicain du Wisconsin — où Harley-Davidson est implantée —, à déclarer qu’il s’agissait d’une “preuve supplémentaire du préjudice causé par les droits de douane unilatéraux”. Harley-Davidson avait ensuite perdu un procès devant un tribunal de l’UE au Luxembourg.

Depuis, les ventes de Harley-Davidson ont baissé dans la région Europe, Moyen-Orient et Afrique, passant de 44 000 motos en 2019 à seulement 27 000 en 2023.

García Bercero a indiqué que la Commission aurait déjà “préparé une liste qui, j’en suis sûr, aura été préparée intelligemment”. Selon son analyse, il est peu probable que l’UE mette en place un vaste mur tarifaire pour les marchandises importées : “Ce sera plus sophistiqué [que] cela.”

Détail douloureux : parce qu’ils peuvent nuire aux exportations américaines là où c’est visible, les producteurs des produits visés seraient prêts à faire pression sur l’administration Trump pour obtenir une désescalade.

Taille du bazooka : cela dépend des biens ciblés

Rapidité à dégainer :

Efficacité attendue :

Instrument anticoercition

Le “bazooka” initial — comme il a été surnommé au cours du processus législatif —, à savoir l’instrument anticoercition, ou IAC, a été conçu comme un moyen de dissuasion. Du moins, c’est ainsi qu’il a toujours été décrit. Il est censé contrer, de manière préventive, les intimidations envers l’UE ou des Etats membres, en ciblant le commerce ou les investissements.

D’une certaine manière, l’IAC est le meilleur exemple de la manière dont Ursula von der Leyen a poussé l’UE à se mettre à utiliser le commerce comme une arme — une tendance mondiale —, même si c’est sur le plan défensif.

Cela dit, la Commission pourrait encore lancer l’IAC contre les droits de douane de Trump. D’autant plus que cet instrument ne met pas automatiquement en place des contre-mesures, mais commence d’abord par un “engagement coopératif” entre les deux parties.

Boomerang : l’UE bouclerait la boucle si elle utilisait l’IAC. En effet, alors qu’il était question de l’utiliser contre la Chine — par exemple lorsque Pékin a intimidé la Lituanie —, la première série de droits de douane imposés par Trump en 2018 a été la raison même de sa conception.

Taille du bazooka :

Rapidité à dégainer :

Efficacité attendue : difficile à prédire

Plainte à l’OMC

Plus une façon de montrer son mécontentement qu’une vraie arme, l’UE traînera probablement les Etats-Unis devant l’Organisation mondiale du commerce (en 2018, elle l’a fait en six jours). Cela ne débouchera sur aucune solution, car Washington a mis hors d’état de nuire la principale cour d’appel de l’OMC. Néanmoins, comme l’UE est la dernière vraie croyante en un commerce fondé sur des règles, elle marquerait au moins un point. Et Trump aurait l’air de ne pas être coopératif dans le processus qui s’ensuivra.

La première étape du processus de l’OMC est la consultation pour parvenir à une solution à l’amiable, suivie de la mise en place d’un panel de juges. La partie perdante fait alors appel auprès de l’organe dédié, qui est paralysé. Et l’affaire finirait par prendre la poussière.

En résumé : il n’y a pas grand-chose à en tirer, si ce n’est une mauvaise publicité pour Washington.

Taille du bazooka :

Rapidité à dégainer :

Efficacité attendue :

Des subventions ou du dumping

L’UE pourrait également ouvrir une enquête à l’encontre des Etats-Unis, similaire à celle ouverte contre les subventions déloyales accordées par la Chine aux véhicules électriques. Ces enquêtes peuvent viser soit le dumping — qui consiste à vendre un produit à un prix inférieur à son coût de production pour s’emparer d’une part de marché —, soit les subventions accordées aux producteurs du pays exportateur.

Par exemple, l’UE impose déjà des droits sur le biodiesel américain, ainsi que sur d’autres produits.

L’avantage est évident : il s’agit d’une arme conforme aux règles de l’OMC, et l’UE peut faire valoir qu’elle les respecte. Mais comme il s’agit d’un outil juridique plutôt que politique, la Commission s’abstiendra probablement de s’engager dans cette voie. Une deuxième raison est que ces enquêtes prennent plus d’un an — on est loin d’une contre-attaque rapide.

Taille du bazooka :

Rapidité à dégainer :

Efficacité attendue :

Des obstacles techniques au commerce

Les obstacles techniques au commerce, ce sont les normes et les réglementations exigées qui permettent d’interdire les produits importés qui ne les respectent pas. Il peut être difficile de prouver qu’elles sont destinées à des fins de protectionnisme ou de représailles, ce qui signifie qu’elles peuvent passer inaperçues pendant un certain temps.

L’UE possède déjà de telles barrières, si l’on en croit le représentant américain au commerce. Par exemple, dans son panorama des obstacles au commerce mondial pour 2024, Washington s’est plaint que le règlement de l’UE sur la déforestation constituait un obstacle technique au commerce, tout comme ses règles en matière de sécurité des produits et de labellisation des vins.

La carotte plutôt que le bâton : alors que l’UE pourrait aggraver la situation des exportateurs américains, la réduction de ces obstacles techniques est également une énorme carotte dans les accords de libre-échange. Peut-être que le commissaire désigné au Commerce Maroš Šefčovič ou Ursula von der Leyen elle-même tenteront de séduire Trump en promettant de les réduire.

Taille du bazooka :

Rapidité à dégainer :

Efficacité attendue :

Les marchés publics

Enfin, l’UE dispose également d’un moyen d’imposer des restrictions dans l’accès à ses appels d’offres publics aux entreprises non européennes. Cette année, elle a utilisé son instrument relatif aux marchés publics internationaux contre le restrictif marché chinois des technologies médicales. Si les Etats-Unis ont, par exemple, des exigences locales dans leurs appels d’offres, celles-ci ne sont pas appliquées de manière très stricte et il existe de nombreuses exceptions.

Remarque : néanmoins, se plaindre de la législation nationale serait un bon moyen d’exprimer son mécontentement pour Bruxelles.

Taille du bazooka :

Rapidité à dégainer :

Efficacité attendue : difficile à prédire

Camille Gijs et Doug Palmer ont contribué à cet article.

Cet article a d’abord été publié par POLITICO en anglais et a été édité en français par Jean-Christophe Catalon.

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