La source d’informations quotidiennes sur la tech en France.
Par OCÉANE HERRERO
Avec ÉMILE MARZOLF et KLARA DURAND
Infos, tuyaux et mini-drames à partager ? Ecrivez à Océane Herrero, Klara Durand, Emile Marzolf et Tiphaine Saliou | Voir dans votre navigateur
AU MENU |
— Chez les politiques, la timide migration saisonnière vers Bluesky.
— L’Afjel en colloque sur les risques des jeux, mais en mission pour autoriser les casinos en ligne.
— Trois expertes du numérique veulent une cure de transparence pour les algos publics.
Bonjour à toutes et à tous, nous sommes mardi 19 novembre. La Répression des fraudes (DGCCRF) et la CNIL font front commun au service du consommateur. Dans le cadre d’un tout nouveau “protocole de coopération”, les deux régulateurs prévoient de se pencher conjointement sur les dark patterns, ces interfaces trompeuses créées pour manipuler les internautes. Leur étude, lancée prochainement, en proposera “une définition partagée”, indiquent-ils.
Partage d’infos. Plus largement, les deux administrations entendent favoriser l’échange d’informations “en y intégrant les dossiers traités au niveau européen”, de “partager leurs analyses” sur les législations ou les marchés, et de “mutualiser leurs techniques d’enquêtes”. Des actions de sensibilisation commune auprès du grand public sont également prévues, afin d’informer le consommateur de certaines pratiques abusives, comme la souscription à des services qu’ils n’ont pas demandés.
LE FAIT DU JOUR |
EFFET PAPILLON. Quelques jours après la nomination d’Elon Musk en tant que débureaucratiseur en chef de la future administration Trump, les inscriptions se sont envolées sur Bluesky, la copie de X lancée par le créateur de Twitter, Jack Dorsey. Le réseau au papillon a franchi cette nuit le cap des 20 millions d’utilisateurs, contre 15 millions avant le week-end, et seulement 9 millions en septembre.
Relation au beau fi’X. Faut-il s’attendre à une grande vague de désertion côté institutionnels et élus ? Pas si sûr. Malgré la réputation écornée de X, accusée — entre autres choses — de laisser proliférer la désinformation depuis son rachat par Elon Musk, les représentants politiques interrogés par votre infolettre ne semblent pas prêts à une cure de désintox.
A Matignon, on reconnaît que la question d’une migration sur Bluesky peut se poser, ne serait-ce qu’en matière d’efficacité de la communication du gouvernement si la plateforme venait à grossir davantage. Mais on se refuse pour l’instant à tout départ fracassant de X. Dans le reste du gouvernement, les (rares) comptes ministériels sur Bluesky végètent, comme celui du ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot.
Parmi les députés sollicités par POLITICO, on voit poindre quelques cas de conscience, notamment à gauche : l’un des penseurs de la stratégie numérique des Insoumis, le député Antoine Léaument, parle d’une réflexion en cours, sans vouloir “abandonner le terrain de la lutte contre l’extrême droite sur X”.
Chez les écolos, “on réfléchit très sérieusement à quitter Twitter, mais nous n’avons pas encore passé le cap”, confie une députée. “On ne va pas drainer seuls un changement des pratiques”, ajoute un conseiller du groupe à l’Assemblée.
Il est urgent d’attendre. “Aucun mouvement de migration massif en dehors de X ne pourra s’effectuer sans une migration générale du secteur politico-médiatique vers d’autres plateformes”, pointe pour sa part le sénateur socialiste Rémi Cardon, qui craint, comme beaucoup d’autres, de perdre en visibilité.
ALGORITHMES |
ET LA LUMIÈRE FUT. Bien décidées à mettre les ministères devant leurs responsabilités, trois expertes du numérique lancent aujourd’hui un Observatoire des algorithmes publics. Celui-ci propose un recensement des algos utilisés par les administrations pour calculer, par exemple, les tarifs de cantine de vos enfants, le montant de vos allocations chômage, ou le ciblage des contrôles des allocations familiales ou du fisc. “L’idée est de proposer un inventaire qui s’enrichira au fil de l’eau, pour ouvrir la discussion autour des algorithmes et aider à évaluer leurs coûts et leur efficacité”, détaille la sociologue Camille Girard-Chanudet, membre de l’observatoire, à mon collègue Emile Marzolf.
Travail de fourmi. L’inventaire ne recense pour l’instant que 40 algorithmes, soit une infime partie de ceux du secteur public, quand on sait que le seul département d’Ille-et-Vilaine en utilise près de 100, plus ou moins sophistiqués. Il faut dire que les administrations ne leur facilitent pas la tâche : elles ne publient pas leurs propres recensements ! Pour collecter des infos, il faut donc se contenter des celles publiées par certains bons élèves ou obtenues par des journalistes et des chercheurs, user de son droit d’accès à des documents administratifs… et parfois ruser.
Rappel à la loi. Avec cet observatoire, les trois fondatrices veulent rappeler les administrations à leurs obligations légales. A savoir : publier un inventaire, donc, mais aussi en expliquer les règles de fonctionnement. Des obligations qui remontent à la loi Lemaire de 2016, mais aussi à celle de 1978 qui a donné naissance à la CNIL.
Fini de jouer ? Cette initiative suffira-t-elle à mettre la pression sur les ministères et collectivités ? Sans doute pas. L’une des fondatrices, la consultante Soizic Pénicaud, se fait d’ailleurs l’écho du dernier rapport du Défenseur des droits sur l’utilisation des algorithmes et de l’IA dans les services publics. L’institution y recommande notamment de créer un mécanisme de sanction des administrations qui rechignent à lever le voile sur le fonctionnement de leurs algos.
JEUX EN LIGNE |
GROSSE MISE AU MEDEF. L’Association française des jeux en ligne (Afjel) organise, ce matin à l’auditorium du Medef, son colloque annuel au thème inspirant : “Jeux d’argent et facteurs de risques : sommes-nous tous égaux ? Mettre l’humain, le joueur, au cœur des réflexions.” L’objectif est bien de renouer la confiance après le psychodrame budgétaire de ces dernières semaines.
On vous rafraîchit la mémoire : le gouvernement avait déposé en dernière minute, à l’Assemblée, un amendement au projet de loi de finances légalisant les casinos en ligne. De quoi régaler l’Afjel, qui pousse la mesure depuis plusieurs années. Mais celle-ci avait provoqué une levée de boucliers d’associations de lutte contre les addictions, poussant le gouvernement à la retirer.
Jouez protégés. Le président de l’Afjel, Nicolas Béraud, et le ministre des Sports, Gil Avérous, ouvriront cette matinée de tables rondes consacrées à la prévention des risques addictifs et la lutte contre l’offre illégale de jeux en ligne.
Colloque en coloc. L’Afjel a également gracieusement invité Philippe Bon, délégué général de Casinos de France et représentant d’intérêts diamétralement opposés. Là où l’Afjel souhaite la légalisation de l’offre de casinos en ligne, Casinos de France veut réserver ce marché aux établissements “physiques”. Les deux parties “fourbissent leurs armes et leurs arguments” pour défendre ces positions, indique Philippe Bon à votre serviteure. Et pour cause, après que le gouvernement a annoncé reculer sur la légalisation des casinos en ligne, Bercy a lancé une consultation avec les acteurs du secteur.
Trois groupes de travail attendent désormais d’être constitués et devront plancher jusqu’à la fin du mois de mars 2025 sur cette question : légaliser ou ne pas légaliser les casinos en ligne ? Si la réponse est oui, la réflexion se poursuivra pour décider des modalités de l’ouverture de ce marché. Sans surprise, l’Afjel comme Casinos de France réclament un siège dans chaque groupe de travail (prévention des addictions, protection des personnes, et prévention des risques d’atteinte à l’ordre public via le trafic ou le blanchiment) pour peser sur les échanges.
PROTECTION DE L’ENFANCE |
BIENTÔT SUR VOS ÉCRANS. La ministre déléguée chargée de la Famille et de la Petite Enfance, Agnès Canayer, sera auditionnée cet après-midi par la délégation aux droits des enfants de l’Assemblée. Elle y présentera les contours de sa politique visant à prévenir l’usage excessif des écrans par les tout-petits et les dangers qu’il implique, notamment en matière d’apprentissage, de développement cérébral et de capacité à réguler ses émotions, a appris ma collègue Klara Durand auprès de son entourage.
Son pitch. Concrètement, la ministre souhaite développer “une politique publique” pour “encadrer ces usages en renforçant la coopération entre les acteurs publics, privés et éducatifs”.
Un reboot en préparation. Agnès Canayer entend d’ailleurs ressusciter le rapport remis en avril à Emmanuel Macron par les experts de la commission “écrans”. Elle devrait aussi s’appuyer sur les recherches menées autour “des retards de langage” chez les plus jeunes, liés à “la réduction des usages conversationnels”.
SOUPÇONS SUR COCOMELON. Le sujet tombe à point nommé. En effet, depuis ce week-end, la populaire chaîne YouTube Cocomelon, destinée aux 0-3 ans, fait l’objet d’intenses débats sur la toile. Des associations de protection de l’enfance s’inquiètent que les enfants soient la cible de dessins animés colorés et attractifs, qui s’enchaînent automatiquement grâce à l’algorithme de la plateforme, expose Le Parisien dans une enquête. Un point sur lequel Agnès Canayer pourrait bien être interrogée.
DU CÔTÉ DE BRUXELLES |
CHECK-UP. La Commission européenne a officiellement présenté lundi les résultats de son bilan de qualité de la législation de l’UE en matière de protection des consommateurs, publié début octobre. Ce document doit ouvrir la voie à la prochaine loi sur l’équité numérique (Digital Fairness Act), rapporte mon collègue bruxellois Mathieu Pollet.
L’objectif : mettre un terme aux pratiques néfastes des plateformes en ligne qui manipulent les consommateurs, et entraînent pas moins de 7,9 milliards d’euros de préjudices financiers, selon Isabelle Pérignon, directrice de la politique des consommateurs à la DG Justice. La suite ? La Commission ouvrira, l’an prochain, une consultation publique de douze semaines et prépare une évaluation d’impact pour les options politiques retenues.
AGENDA |
A 10 heures, colloque annuel de l’Association française des jeux en ligne.
A 14h30, suite de l’examen du projet de loi de Financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025 au Sénat.
A 16h30, audition de la ministre déléguée chargée de la Famille et de la Petite enfance, Agnès Canayer, par la délégation au Droit des enfants de l’Assemblée.
RESTEZ BRANCHÉS |
— L’AFP vous présente Brendan Carr, l’homme nommé par Donald Trump à la tête du régulateur des télécoms pour “démanteler le cartel de la censure” des plateformes numériques.
— Airbnb lance un portail d’accès national à ses données pour les villes françaises, nous apprend Franceinfo.
— Le New York Times raconte comment Bluesky fait face à l’explosion de son nombre d’utilisateurs.
Un grand merci à : notre éditrice Tiphaine Saliou et Jean-Christophe Catalon.